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Dans cet article, nous partageons le billet d’humeur de l’une de nos directrices études, Carole MERCIER. Forte de son expérience au contact des clients et des dispositifs de mesure de la satisfaction client, elle observe au quotidien l’évolution des enquêtes de satisfaction et leurs effets sur les consommateurs. Elle livre ici son analyse (entre constat de terrain et bonnes pratiques) sur les dérives actuelles des enquêtes de satisfaction et sur la nécessité de repenser ces démarches pour qu’elles restent réellement utiles et pertinentes.
Rappelez-vous il n’y a pas si longtemps que cela, lorsque l’on était contacté pour répondre à une enquête de satisfaction, c’était encore « rare », presque un « évènement » !
« Waouh cette entreprise / cette marque s’intéresse à ce que je pense ! Je vais prendre un peu de temps pour lui répondre ! »
Ça, c’était avant…
Au cours des dernières années, ce type de sollicitations s’est démultiplié, jusqu’à en devenir insupportable pour les consommateurs, contre-productif pour les marques et nuisible pour les instituts d’études comme nous.
Prenons mon cas de consommatrice. Avant je répondais toujours aux études de satisfaction que je recevais. Normal ! Je savais l’importance que cela revêtait pour les entreprises et indirectement, je valorisais la démarche qu’elles entreprenaient. Mais maintenant, je n’en ai plus ni la patience, ni l’envie. Cette année sur le seul mois d’août j’ai reçu pas moins de 9 mails m’invitant à répondre à une enquête de satisfaction. 9 !!! Si on conserve cette tendance, sur une année cela revient à 108 mails pour me demander ma satisfaction (la plupart du temps sur tout et n’importe quoi d’ailleurs, mais nous parlerons de ce sujet un peu plus tard).
Et là, je ne parle que des questionnaires reçus par mail. À ceux-là s’ajoutent les sollicitations par SMS, les notifications push, les pop-ups sur les sites web, les bornes en magasin et les QR codes sur tickets de caisse.
Avec de tels chiffres, pas étonnant que les taux de réponse à ces enquêtes soient en chute libre et que les demandes de désabonnement grimpent en flèche !
Aujourd’hui, on assiste à de multiples dérives. Le développement du digital avec les solutions d’enquêtes en ligne faciles d’accès, demandant peu de compétences techniques, peu d’intervention humaine et peu d’investissement financier a eu un impact conséquent sur la façon dont les entreprises ont « pensé » leurs enquêtes de satisfaction. C’est ainsi que de plus en plus d’entreprises sont passées d’études ponctuelles à des boucles de feedback continues et automatisées via leur CRM. Quand quelque chose est financièrement abordable on en use et malheureusement on en abuse.
Je ne dis pas que l’automatisation des études n’est pas une bonne chose, loin de là ! Mais pour être pertinent dans son dispositif de mesure de la satisfaction,
Il faut réfléchir à celui-ci en se plaçant également du point de vue du client. Il faut envoyer le bon message, à la bonne personne, au bon moment.
Or, la problématique principale de la plupart des dispositifs automatisés est qu’ils ont été conçus justement de façon automatique, sans vraiment réfléchir aux différents scenarii et sans réellement tenir compte du client.
Cela aboutit à plusieurs « dysfonctionnements ». Nous allons en aborder 3 principaux.
La pression CRM ou pression commerciale est fonction du nombre de sollicitations reçues par un client sur une période donnée. Les enquêtes de satisfaction font parties de ces sollicitations.
Certaines entreprises ont tellement bien automatisé leur CRM que dès qu’un client effectue un achat ou fait une demande au service client, il reçoit un questionnaire de satisfaction et si jamais il ne répond pas, il reçoit en plus une relance pour l’inciter à répondre.
S’il effectue 10 achats sur l’année, il pourra recevoir jusqu’à 20 sollicitations pour lui demander sa satisfaction. De quoi commencer à être exaspéré et entacher quelque peu l’image que l’on peut avoir de la marque, d’autant plus lorsque nous sommes sur des achats « peu » impliquants.
Certaines entreprises veulent disposer de feedback sur l’ensemble du parcours de leurs clients. Ce qui fait parfaitement sens. Mais elles souhaitent obtenir ce feedback à chaud. Ce qui peut faire parfaitement sens.
Quand on est sur un parcours client long, comme l’achat d’un logement en vefa, interroger un client à chaud à plusieurs points de contacts est parfaitement logique puisqu’entre la signature et la livraison du logement, il peut s’écouler 2 ans.
En revanche, quand l’ensemble du parcours client dure quelques jours seulement, est-ce réellement utile ? Pertinent ? Nécessaire ?
Quand je passe une commande sur un site Internet, que je retourne sur ma boite mail une semaine après et que j’ai 4 mails pour me demander si je suis satisfaite :
Eh bien je me demande quel est intérêt de la démarche. Pourquoi ne pas m’envoyer un seul mail me posant toutes les questions à la place de ces 4 mails m’en posant 2 à chaque fois ? Ce serait tellement plus pertinent (meilleur taux de réponse notamment) et tellement moins énervant pour le consommateur (sentiment de saturation).
Le dernier dysfonctionnement que j’aborderai, c’est l’utilité de certains questionnaires et surtout la fiabilité des réponses.
Typiquement, lorsqu’un automobiliste fait changer l’ampoule de son clignotant et qu’il reçoit un questionnaire pour lui demander sa satisfaction quant à cette ampoule qu’il vient d’acheter, à moins d’être chevronné et passionné de pièces automobiles, que peut-il bien répondre ? Ben elle fonctionne… et si elle ne fonctionne pas, il y a de grandes chances qu’il soit déjà revenu en magasin.
En fait, une grande majorité des études de satisfaction actuelles est une course aux étoiles, c’est-à-dire aux avis clients qui ont pris une place non négligeable dans le process d’achat des consommateurs. Le souci, c’est quand on voit comment ces avis sont parfois recueillis, on s’interroge sur la fiabilité de ses derniers.
Je vais étayer cela avec un nouvel exemple personnel. J’avais acheté un produit pour le soutien gastrique de mon cheval et qui nécessitait un traitement d’au moins un mois. Or, dès la réception de ce produit j’ai reçu un questionnaire me demandant mon avis sur celui-ci. Si les consommateurs répondent dès ce moment-là sur quoi se base leur satisfaction ? Objectivement, je me fiche que ce produit soit dans un beau packaging ou qu’il sente bon. Ce qui m’intéresse, c’est qu’il soit efficace. Et ça, je ne pourrai le savoir qu’un mois plus tard, a minima. Sachant cela, comment tenir compte des avis sur ce produit ?
En revanche, si j’avais reçu ce même questionnaire ne serait-ce qu’un mois après ma commande, là j’aurais pu répondre avec le recul nécessaire et en toute connaissance de cause. Pour cela, il aurait simplement fallu corréler l’envoi automatique du questionnaire avec la durée minimale de traitement. Certes, cela demande un travail préparatoire plus conséquent, mais l’étude est plus pertinente.
De plus en plus d’entreprises veulent montrer qu’elles écoutent leurs clients et elles démultiplient les contacts en ce sens. Malheureusement, cet afflux de sollicitations rend les consommateurs plus hermétiques et a pour conséquence de faire baisser les taux de retour.
Alors que font les entreprises pour palier cela ? Elles multiplient les relances et les canaux pour obtenir des réponses, ce qui a pour conséquence de…
… faire baisser les taux de retour. C’est le serpent qui se mord la queue.
Réaliser une multitude d’études de satisfaction sous couvert du coût financier avantageux, risque à terme de nous coûter bien plus cher ! Avec des entreprises qui seront contraintes de piloter leur relation client à l’aveugle car les consommateurs ne leur parleront plus.
Va-t-on finir par assister à la fin des feed-back client par saturation ? Ne faudrait-il pas déjà repenser la façon dont on mesure la satisfaction client pour que cela soit plus efficace ?
Vous réalisez des enquêtes de satisfaction ? Voici 5 points à vérifier pour valider la pertinence de votre process et mener des enquêtes… vraiment utiles !