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Bertrand Barré et l’innovation au Club Adetem Alsace Lorraine

09/05/2012

Synthèse de la conférence du 19 avril 2012, rédigée par Thomas Arbib – Community Manager à l’EM Strasbourg

L’Adetem, premier réseau de professionnels du Marketing avec 28 clubs et plus de 60 réunions par an, accueillait en ce jeudi 19/04/12 Bertand Barré, président de The Zebra Company et auteur du livre « All You Need Is Love – COmment innover sur des marchés saturés », dans les locaux de l’AGIPI à Schiltigheim.

Issu d’une famille d’entrepreneurs (son père vendait des caisses frigorifiques), l’homme est reconnu dans le milieu du marketing comme un innovateur hors pair. Il peut en effet se targuer d’avoir déposé plus de 130 brevets en Europe et aux Etats-Unis.

Il ne croit d’ailleurs pas à la protection d’une idée par un brevet ; sa vision de l’innovation va plus loin : déposer un brevet n’est que le « début de l’innovation pour les autres ». Une avance sur la concurrence décidemment dure à conserver… il nous raconte ainsi que lors de salons en Chine, il s’aperçoit que ses brevets sont régulièrement copiés. Mais lorsqu’il le signale à ses contrefacteurs, il est aussitôt accueilli en héros et admiré ! Il en a désormais l’habitude, en Chine, «copier c’est s’enrichir».

Lors de cette conférence, il a partagé avec nous deux idées principales sur « comment préserver ses positions grâce à l’innovation » et « comment innover sur les marchés saturés ».

Une société et des modèles vieux de 110 ans

En introduction, Bertrand Barré revient sur notre société, vieille de 110 ans selon lui.  Il entend par là que tout l’environnement qui nous entoure (monde industriel, clients, valeur, taxes, salaires,…) n’a pas évolué. Encore plus inquiétant : les jeunes diplômés font la grosse erreur de penser arriver dans un système dont ils maitrisent déjà tous les mécanismes. La crise n’est ainsi pas si récente que cela, et n’est en aucun cas une surprise.

Il insiste sur l’importance de bien poser les bases du problème et de déconstruire par l’exemple. Retour alors sur un siècle d’innovation :

1900 : L’innovation poussée par la technologie

L’innovation est pour cette période en grande partie menée par les militaires, qui ont impulsé des évolutions majeures dans notre vie quotidienne : l’éclairage, le transport, l’industrie métallurgique… Cependant, cette période n’a duré qu’un temps et « le jour où il y a eu plus de guerre, des sociétés comme SEB (à la base Société d’Emboutissage de Bourgogne) ont commencé à faire des casseroles ».

1950 : L’innovation poussée par le consommateur

Au milieu du 20ème siècle, il n’y a plus de guerre, Bertrand Barré constate que  la charge de l’innovation est alors transmise aux entreprises. Il considère ce changement comme un virage dangereux. L’Homme étant naturellement fier de ce qu’il vient de faire, il aurait un regard subjectif sur la réalité ! Cela remettrait alors en cause la viabilité du produit sur le marché…

2000 : L’innovation ? Faire mieux grâce à moins

Pour le chef d’entreprise, la course vers le toujours mieux est terminée. Le consommateur ne veut pas forcement mieux surtout si ça lui coûte plus cher… et pourtant, voilà 60 ans que l’innovation se fait dans ce sens ! Nous entrons dans l’ère d’un marché à l’écoute de ses consommateurs.

Le modèle de l’innovation inversée

Il introduit alors le concept « d’innovation inversée », c’est-à-dire « innover pour moins » dans le sens de ne pas chercher à faire « plus » mais plus simple.

Bertrand Barré prend alors un malin plaisir à tacler le marketing traditionnel où le consommateur est étudié « comme un marsupilami » derrière une vitre sans tain. S’en suit une démonstration par l’absurde sur  l’uniformisation des gammes de produits quotidiens avec photos à l’appui : aspirateurs, fers à repasser, frigidaires, voitures,… Tout le monde fait la même chose !

L’exemple le plus criant est celui des voitures hybrides censées être utilisées en centre-ville mais ayant toutes une forme arrondies et allongées. Il n’en fallait pas moins à Bertrand Barré pour s’écrier : « ta voiture ne roulera pas à plus de 50 km/h en ville ! ».  C’est bien la preuve que les grandes entreprises travaillent avec les mêmes outils et les  mêmes ingénieurs sortis des mêmes écoles. Ce sont ces mêmes personnes qui à force de « bien viser le désir, le tuent complètement » et entraînent la monotonie patente de l’offre.

Aujourd’hui, Bertrand Barré réfute les modèles classiques enseignés dans toutes les écoles et n’en utilise qu’un seul (le sien !), avec d’un côté, des consommateurs impliqués et de l’autre, des non impliqués. Inutile d’essayer de vendre le meilleur produit à prix d’or à des non impliqués, car même si leur pouvoir d’achat leur permet ils ne feront pas ce choix là. Ce modèle explique à lui tout seul le paradoxe apparent de ces ménages aisés qui font des achats dans des enseignes de hard discount.

Autre exemple, celui de Salomon, une entreprise familiale qui fait des fixations de ski depuis des générations en respectant les bonnes conventions du secteur. S’ils se mettent du jour au lendemain à faire de « l’original », c’est,  selon Bertrand Barré, une erreur. En effet, le consommateur impliqué veut quelque chose de technique alors que le non-impliqué veut quelque chose de pas cher. Il n’y a pas de compromis.

L’idée de fond est de rendre le consommateur dépendant des produits et voici les mots-clés sur lesquels il nous invite à nous appuyer :

  1. Engagement
  2. Singularité
  3. Différence
  4. Unité
  5. Permanence (Pérennité)
  6. Crédibilité (Légitimité)

Bertrand Barré continue en présentant la refonte de la structure des entreprises qui est pour lui nécessaire à la relance de nos entreprises, avec notamment la création d’un pôle créatif incluant un axe décisionnaire. La présence de ce dernier dans le pôle est crucial car un « groupe d’innovation, sans le boss, c’est une commission !».

Les différents types de marques

Dans son monde de l’innovation, il existe 3 types de marques (la proportion vs. l’ensemble des marques entre parenthèses) :

  1. Les marques de « savoir-faire » (60%), comme Salomon, dont le métier est la fixation de ski.
  2. Les marques de « statut » (20%), qui correspondent à l’appartenance à une tribu comme les maillots de bains pantacourts pour surfeurs Quicksilver…
  3. Les marques « critiques » (20%), des entreprises nées d’un produit simple et pertinent, comme Apple.

Pour conclure, il nous rappelle que « le simple fait de ne pas faire, ça coûte pas cher » et que rien ne sert de se précipiter : finalement, ce qui coûte le plus, c’est de se rendre compte que tout le monde fait la même chose et de ne pas bouger…

Au final, un très bon moment passé en compagnie de Bertrand Barré : une vraie performance de one-man-show, une énergie et un enthousiasme débordants, sans oublier une vision sans concession de l’innovation !

Merci à tous pour votre présence !

Philippe Studer (EDinstitut) et Serge Gutnick (Conjonxion) – Co-présidents.

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